La “tête dans l’brouillard”*, un autre effet de la chimio

* Chemo-fog ou Chemobrain. Cet état neurologique concerne 65% des patients en chimiothérapie (Lange, 2011).


La première consultation mémoire créée pour répondre aux plaintes des patients a été mise à place en 2009 par Isabelle Léger, neuropsychologue à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif. Aujourd’hui, le chemobrain fait l’objet de recherches notamment au Cancéropôle Nord-Ouest et à l’INSERM de Caen, mais reste assez méconnu des oncologues et des psycho-oncologues intervenant dans les services de chimiothérapie.

Le chemofog est réversible, mais persiste 1 à 4 ans (voire 10 ans dans de rares cas) après l’arrêt des traitements. La persistance de cet effet est souvent source d’inquiétudes, par exemple quand il est toujours présent alors qu’on envisage la reprise du travail. Un an après la fin du traitement, les troubles sont toujours objectivés (par des tests neurologiques) chez 61% des patients.

Ce phénomène se retrouve à tous les âges avec plus ou moins de “subtilité”, même si les patients âgés sont plus vulnérables.

Les neuropsychologues disposent d’outils pour évaluer la plainte cognitive (questionnaire type QPC par exemple), les difficultés rencontrées mais aussi d’outils de réhabilitation (ou rééducation) et “d’astuces” pour compenser ces difficultés éprouvées au quotidien : le but étant de limiter l’impact du chemobrain et d’améliorer la qualité de vie.


Quels troubles fréquents ?
chemobrain

  • Mémoire épisodique : “Euh… mais où ai-je donc mis mes clés ?…
  • Mémoire de travail : “81 – 7 ?… pfff, de toute façon, je n’ai jamais été bon en calcul mental!”…
  • Attention/Concentration : “Je n’arrive plus à me concentrer sur ma lecture” ; “je viens de reprendre le travail, mais je me sens très distraite”…
  • Fonctions exécutives : “ça me coute de réfléchir ! et d’autant plus quand un nouveau problème se présente” ; “j’ai plus de mal à contrôler mes réactions”…
  • Vitesse de traitement : “Oulà j’ai eu chaud ! Je n’avais pas vu la voiture devant moi freiner ! j’ai mis plus de temps qu’à mon habitude à réagir”…

Comment ? 

L’origine du chemobrain est multifactorielle : la maladie elle-même, son annonce, l’anxiété, la fatigue et, surtout, la toxicité neurologique des traitements de chimiothérapie (qui favorisent le passage des TNF-α, délétères pour le cerveau, par la barrière hématho-encéphalique).

Le “compenser” ? 

Jouer, cogiter, lire, apprendre, bouger… Mots fléchés, sudoku, jeu des 7 erreurs… méditer, se détendre… trouver des subterfuges pour compenser comme : éviter de faire trop de choses en même temps, mettre en place des habitudes, pr
endre le temps d’ “enregistrer”, s’organiser, multiplier les aide-mémoires et les plannings…

… Et au besoin, pour faire le point, se rassurer, prendre contact avec un neuropsychologue.

 


Vidéos : 

Documentaire télévisé Allo Docteur : “Quand le cancer altère la mémoire”

Conférence à l’Université de Rouen : “Oubliez le cancer, pas le reste ! Quand le cancer et
ses traitements plongent vos pensées dans le brouillard”


Bibliographie non exhaustive : 

C.D. Aluise, R. Sultana, J. Tangpong et al. (2010). Chemobrain (chemofog) as a potential side effect of doxorubicin administration : role of cytokine-induced, oxidative/nitrosative stress in cognitive dysfonction. In : R.B. Raffa, R.J. Tallarida, editors. Chemofog : cancer chemotherapy-related cognitive impairment. Austin : Springer/Landes, 147-153.

M. Lange, B. Giffard, F. Eustache (2011). Impact de la chimiothérapie adjuvante sur les fonctions cognitives dans le cancer du sein : revue de littérature. Psycho-oncologie, 5 : 3-10

H. Tailla (2013). Qu’en est-il du Chemobrain ? Revue neurologique vol 169 (3) : 216-222

I.F. Tannock et col. (2004). Cognitive Impairment Associated with Chemotherapy for Cancer : report a workshop. Journal of Clinical Oncology, 22:2233-2239