IMPROVISATION : quand la créativité dépasse l’adaptation

Chez l’enfant, l’intérêt de la stimulation des apprentissages par l’imagination ne fait aucun débat (D. Winnicott, le jeu libre, etc). Pour M. Montessori : « N’élevons pas nos enfants pour le monde d’aujourd’hui. Ce monde aura changé lorsqu’ils seront grands. Ainsi doit-on en priorité aider l’enfant à cultiver ses facultés de création et d’adaptation. » Deux bases indiscutablement essentielles à notre équilibre.
Pourtant, les contrées inconnues de l’imaginaire effrayent l’adulte normé. Pourquoi beaucoup d’entre nous perdent cette référence interne à l’imagination ? ce n’est pas « se perdre » que d’imaginer, de créer… c’est s’écarter d’un modèle pour trouver un Vrai-Soi. R. Gori nous interpelle à ce sujet : « Nous sommes en passe de perdre une faculté qui nous paraissait inaliénable, l’art de raconter des histoires, de mettre en récit nos expériences de vie. »
Comment garder cette force de créer ? First but not least, nous devrons prendre de la distance avec une recherche acquise d’approbations, de félicitations. C’est déjà une réflexion qui touche la psychologie du développement et de la parentalité positive depuis plusieurs années mais les adultes ont encore bien du mal à se l’appliquer. Nous sommes une génération pivot.
En psychothérapie intégrative, la créativité me semble incontournable. Elle n’a rien de « magique »… c’est une position interne exigeante en terme de bases théoriques et de savoirs appliqués dans de nombreux domaines (pour moi essentiellement la psychologie clinique, la psychanalyse et la neuropsychologie… mais pas que…).
Elle nous convoque à un exercice si proche de l’improvisation qu’elle sera unifiante, bouleversante et soulèvera en vous de belles émotions. Les mots, les pensées aussi peuvent nous emporter… comme par magie (mais seulement « comme »)… S. Lippi et F. Vinot publieront dans le prochain volume de Cliniques Méditerranéennes : « Improviser en psychanalys(t)e » (à venir en avril 2016). Cette “improvisation dynamique” (terme de M. Béjart, chorégraphe) nécessite une présence dans l’instant, un partage du sensible… en toute confiance.
L’émotion que nous ressentons, celle qui nous transporte quand nous assistons à la performance d’une danseuse, qui après avoir répété inlassablement ses exercices à la barre, nous livre quelques pas improvisés…. est bien réalité !
Cette émotion transmise par l’évolution d’une aquarelle, où la peinture fuse dans l’eau, imprévisible, et dont le coup de pinceau n’est plus simplement posé, mais lâché…
Des rythmes jazz diffractés répondant à des centaines de règles et des milliers d’heures de travail, à rechercher ces accords de notes qui nous hérissent le poil et nous embarquent…
Pour le musicien E. Perraud « l’improvisation est une sorte de laboratoire intérieur » et les études en neurologie (P. Lemarquis, C. Limb) le confirment : c’est le cerveau interne qui est convoqué (augmentation de l’activité pré-frontale médiane : introspection, auto-analyse, mémoire de travail…), le cortex pré-frontal latéral en charge de l’inhibition notamment est désactivé, un état proche de l’état de méditation. Ajoutons à cela les pré-requis de 10 ans minimum ou 10 000 h ! (selon les études) pour s’émanciper et trouver de la fluidité. Une recherche de dépassement de soi, pour retrouver non seulement sa singularité, mais au delà… sa posture ontologique : « ETRE (being) est le début de tout, sans cela, “faire” ne veut rien dire » (D. W. Winnicott). Je souhaiterai recueillir avec beaucoup d’humilité vos témoignages d’improvisateur quelque soit votre art.
  1. Que ressentez-vous ? Que vivez-vous ? Où se situe votre pensée (errance, focalisation…) ?
  2. D’après vous, pourquoi l’improvisation transmet des émotions décuplées ?
Voilà donc l’objectif de cet article, vous donner un exemple d’une « réflexion intégrative » quelque soit l’âge, dans le présent et dans l’émotion. J’espère pouvoir, grâce à vos retours d’expérience, vous proposer un début de réponse (des débats et d’autres questions !)… aux questions que je soulève… l’apprentissage n’a pour limite uniquement notre curiosité et notre sensibilité.
(29/02/2016)